La crise des réfugiés : entre confusion et désarroi (18 septembre 2015)
Sortir de l'émotionnel pour agir efficacement. La question des réfugiés ébranle une Europe aux pieds d'argile. Elle a aussi suscité de vifs échanges entre les grands débatteurs du jour sur Radio Notre Dame.
"Ce n'est pas seulement la confusion de Madame Merkel" qui frappe dans cette crise des migrants et des réfugiés, "c'est le désarroi", souligne d'entrer de jeu Victor Loupan, rédacteur en chef du Messager orthodoxe, lors du Débat de la Semaine. L'utopie européenne ? "Elle s'est fracassée, comme toutes les utopies, sur les récifs de la réalité", ajoute-t-il. Et dans cette réalité, il y a, par exemple, ces plus d'un million de Libyens qui attendent de traverser, en ce moment même. Le journaliste Patrice de Plunkett, se dit quant à lui préoccupé par le "revirement ahurissant de Madame Merkel" : "Comment a-t-elle pu d'abord annoncer que l'Allemagne pouvait accueillir indéfiniment les migrants ?". L'explication, on la trouve dans la presse allemande et belge. "C'est le patronat allemand qui a poussé Mme Merkel, car il a cru voir arriver dans ces migrants une armée de réserve d'emplois sous-payés que l'on allait pouvoir payer encore moins cher... Elle a cédé dans un premier temps, quand elle a vu arriver des millions de gens elle a changé d'avis en un quart d'heure, ce qui a déboussolé tout le monde et particulièrement le gouvernement français qui a pris l'habitude - cela a commencé sous Sarkozy - de suivre docilement Mme Merkel. Nous ne sommes pas une avant-garde mais un après-garde du gouvernement allemand".
L'accueil d'une famille de réfugiés
Patrice de Plunkett qui tient également à rappeler l'appel du pape François. "Les diocèse français se mobilisent pour accueillir une famille de réfugiés par paroisse, mais attention, le pape a bien 'famille', il n'a pas dit les jeunes gaillards de 25 ans qui arrivent, on ne sait pas très bien pourquoi et dans un but, dans le meilleur des cas, exclusivement économique. Entre accueillir une famille et accueillir n'importe qui en vrac, il y a une énorme différence, chaque mot compte, surtout quand c'est le Vatican qui parle", souligne Patrice de Plunkett. Des propos sur lesquels Victor Loupan rebondit aussitôt : "Vous avez des jeunes gens larges d'épaules, musclés, qui arrivent, et on se dit 'mais attends, tu es en âge de combattre pour la liberté dans ton pays'... Du coup, l'armée syrienne n'arrive plus à recruter... Mais il paraît que les Russes arrivent !".
Pour Gilles Boucomont, pasteur de l’Eglise protestante Unie du Marais, "la difficulté est dans la réaction beaucoup trop émotionnelle". "C'est la peur ou la panique", dit-il, "et celle qui ramasse la moisson, c'est Marine Le Pen, car elle est là pour capitaliser toutes les peurs. Il y a aussi une certaine naïveté à croire que chacun va pouvoir adopter son Syrien dans son immeuble... 'As-tu ton migrant, ton migrant est-il chrétien ou musulman, tu as pris des risques il est musulman'...".
Alors, exode ou effet d'aubaine ?
Difficile de répondre quand tout ce la fait appel à l'émotion. Victor Loupan, lui, souligne l'annonce choquante faite il y a deux jours par le gouvernement français : "Les autorités ont dit qu'il y avait 20 mille logements pour les réfugiés. Mon fils a fait une demande de HLM, mon fils qui est un jeune travailleur, on lui a dit cinq ans d'attente !". Patrice de Plunkett nuance, soulignant qu'"une grande partie de ces logements sont situés dans des quartiers dits difficiles et que pas mal de Français calent à l'idée d'aller s'installer dans ces coins-là". Quant à Gilles Boucomont, pasteur de l’Eglise protestante Unie du Marais, il répète que "l'annonce de ce chiffre a beaucoup choqué les personnes qui travaillent avec les SDF".
Un nouveau trafic d'esclaves
Cette crise des réfugiés, c'est surtout une aubaine pour les passeurs. "C'est 15 mille dollars par tête de pipe en moyenne pour passer", explique Victor Loupan, "c'est comme un menu au restaurant, c'est affreux. Les pères de famille donne de l'argent à des bandits, des criminels internationaux et leur confient leur famille". Et le pasteur Gilles Boucomont ajoute : "En Libye, il y a des tarifs pour chaque nationalité". Dès lors, recevoir une famille, est-ce nourrir les passeurs et être complices de ce trafic ? La réponse de Patrice de Plunkett est claire : "Les familles qui sont là, le devoir de charité élémentaire commande de les aider, c'est l’Évangile, on est chrétien ou on ne l'est pas. La question n'est pas là, la question est d'arrêter ce déferlement. Que devons-nous faire, nous Européens, sur la plan politico-militaire ?". La solution serait-elle de bombarder Daech en Syrie, comme le suggère Manuel Valls. Victor Loupan se veut ironique :"Enfin, pour survoler la Syrie il faut l'accord d'Assad, sinon les avions sont abattus, ils ont une très bonne défense aérienne !". Pour le rédacteur en chef du Messager orthodoxe, "il y a tout un contexte de confusion, ce n'est même pas du mensonge, ils ne savent pas quoi dire, ils ne savent pas quoi faire".
Réécouter Le Débat de la semaine pour savoir quelles réponses nos débatteurs apportent à cette délicate question.
15:01 | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : réfugiés, migrants, accueil, crise, europe, merkel, passeurs, esclaves, pape françois, syrie, irak, assad